Le mangeur d’images

« Le mangeur d’images », ainsi Kay Heymer appelle-t-il l’artiste TAL R, dont la nouvelle série de sculptures en céramique fait appel à de multiples prédécesseurs, parmi lesquels André Derain, Alberto Giacometti, Willem de Kooning, Jean Fautrier, Hans Josephson, Georg Baselitz ou Günther Förg. Tous ont avec leurs sculptures et chacun à sa manière – souvent avec une naïveté apparente – exploré les limites de la forme et les débuts de la figuration à l’aide de corps ou parties du corps formées directement à partir de la matière : Derain, de Kooning, Fautrier et Förg au moyen de têtes ou de masques ; Josephson et Baselitz avec des torses amorphes ; Giacometti et Baselitz de nouveau en référence à leurs propres mains, jambes et pieds. TAL R a recraché cette tradition aussi vite qu’il l’avait avalée et témoigne, à l’instar de ses collègues, de sa fascination et de son enthousiasme pour des ­traditions de sculptures beaucoup plus anciennes, encore solidement ancrées aujourd’hui dans des attitudes religieuses et sociales. C’est le cas en particulier des offrandes votives  –  des reproductions de parties du corps réalisées pour implorer la guérison et qui témoignent par centaines, souvent en piles interminables, d’une croyance populaire occulte qu’on retrouve dans le monde entier, de la Seine en France au Nord-Est du Brésil. Les sculptures de TAL R, ses reformulations, expriment à la fois ­naïveté et raffinement, virtuosité et amateurisme, réflexion et intégrité, artifice et authenticité, vul­garité et innocence pure pour ainsi dire enfantine. C’est donc à juste titre que Kay Heymer interroge : « Que demander de plus ? »